Paru le 20 janvier 2011
Par Priscilla Franken
L’effet antivieillissement des antioxydants est mis en doute par une récente étude scientifique.
Photo: iStockphoto
Vous vous gavez de bleuets, buvez des litres de thé vert et bataillez pour dénicher des baies de goji le dimanche au marché? Surtout n’arrêtez pas, ces habitudes alimentaires sont sûrement saines. Par contre, le discours qu’on vous sert depuis des dizaines d’années sur les vertus antivieillissement des antioxydants est peut-être faux.
C’est la conclusion à laquelle est arrivé le professeur Siegfried Hekimi, de l’Université McGill. L’étude qu’il a menée sur la question démontre en effet que les radicaux libres, ces molécules combattues par les antioxydants, ne seraient non pas une cause du vieillissement des cellules, mais au contraire une conséquence de ce dernier.
«D’après nos recherches, les radicaux libres sont produits en réaction au vieillissement. Non seulement ils ne l’accélèrent pas, mais en plus ils luttent probablement contre ses effets», explique M. Hekimi.
Longévité accrue grâce aux radicaux libres
Pour en arriver à ces conclusions, le chercheur a génétiquement modifié des vers ronds, de manière qu’ils produisent davantage de radicaux libres. Résultats:
1. Ces vers ont vécu plus longtemps que ceux qui n’ont pas été génétiquement modifiés;
2. Les vers auxquels des antioxydants ont été administrés ont vu leur vie raccourcie.
Le professeur Hekimi et son équipe sont par ailleurs arrivés à des résultats similaires avec des souris.
Mais il tient à préciser: «Les antioxydants possèdent peut-être certaines vertus, mais je ne suis pas nutritionniste et je n’ai pas d’opinion là-dessus. Ma spécialité, c’est l’étude des mécanismes fondamentaux du vieillissement. Or, je ne suis pas le seul, au sein de la communauté scientifique, à remettre en question la théorie du vieillissement par les radicaux libres.»
Plus de 300 théories du vieillissement!
Un avis que partage Alan Cohen, professeur adjoint au Département de médecine de famille de l’Université de Sherbrooke. Pour ce spécialiste en physiologie du vieillissement, les résultats de cette étude ne sont pas surprenants.
«Il existe plus de 300 théories sur le vieillissement, bien que celle par les radicaux libres soit la plus connue. Personnellement, j’adhère à une idée qui émerge actuellement, et que l’on peut résumer ainsi: notre corps est un système de régulation de plusieurs molécules, qui interagissent entre elles. Il n’est pas possible, en réalité, de pointer telle ou telle molécule comme source de tel ou tel problème de santé, car le système est beaucoup trop complexe. L’élément X, qui n’est pas mauvais en soi, peut devenir nocif s’il est présent à un niveau trop élevé, ou encore en raison de certaines interactions avec d’autres éléments, par exemple», explique-t-il.
Au final, le professeur Cohen estime qu’on ne peut, à l’heure actuelle, se prononcer sur le rôle exact des radicaux libres. Cause ou conséquence du vieillissement, voire les deux à la fois… tout est possible selon lui.
Pour d’autres spécialistes, les conclusions du professeur Hekimi sont discutables. «Son travail est très sérieux et bien ficelé. Par contre, je pense que la théorie du vieillissement par les radicaux libres reste valide parce que les preuves qui la contredisent demeurent insuffisantes», estime pour sa part Abdel Khalil, chercheur au Centre de recherche sur le vieillissement de l’Université de Sherbrooke.
Les antioxydants demeurent bénéfiques… en théorie
Force est de reconnaître que les mécanismes du vieillissement restent un mystère à ce jour, et que les avis sur la question sont nombreux et variés. Mais qu’en est-il des antioxydants? Les chercheurs ont-ils des certitudes quant à leur impact sur notre santé?
Alan Cohen et Abdel Khalil indiquent tous deux que plusieurs études ont démontré leur effets bénéfiques: «Leur rôle est très important. Il ne faut pas que les travaux du professeur Hekimi amènent les gens à se dire ‘‘dès demain j’arrête les antioxydants’’, car ils contribuent à l’équilibre de l’ensemble du système», insiste le premier.
À ses yeux, c’est précisément le concept d’équilibre entre les molécules qui est essentiel: une carence en antioxydants est dangereuse pour la santé, de même qu’une surconsommation… Or, la science n’a pas le pouvoir d’identifier cet équilibre, de le mesurer, et encore moins de donner des conseils sur la façon de l’atteindre, souligne-t-il.
«Pour l’heure, le seul conseil qu’on puisse donner est de favoriser la consommation d’une grande variété d’aliments naturels, donc des fruits, des légumes, des graines entières… et puis de ne pas se rendre fou avec ça! Si j’achète des bleuets au marché, c’est parce qu’ils me font envie et parce qu’ils sont frais, pas parce que je me dis qu’ils contiennent des antioxydants. Selon moi, et bien que les preuves scientifiques soient minces à ce sujet, le plaisir de manger a lui aussi des effets très positifs sur la santé.»
Les deux chercheurs s’accordent sur un autre point: au final… on n’est sûr de rien à 100 % concernant les antioxydants. Parce qu’ils agissent en synergie avec d’autres éléments, parce qu’il en existe plusieurs sortes, mais aussi tout simplement parce que les recherches scientifiques ont leurs limites.
«Les effets protecteurs des fruits et légumes sont admis par de nombreux spécialistes, mais plusieurs paramètres sont laissés de côté lorsqu’on pose une telle affirmation. Comme par exemple le fait que ceux qui en consomment le plus sont aisés financièrement: on peut se questionner sur les autres facteurs qui peuvent influencer l’état de santé de cette tranche de la population. Il faut en être conscient», note Alan Cohen.
Autre exemple: le fameux régime méditerranéen, dont on vante souvent les mérites. Mais on laisse de côté les effets du climat, de l’activité physique, voire de la sieste!
C’est la conclusion à laquelle est arrivé le professeur Siegfried Hekimi, de l’Université McGill. L’étude qu’il a menée sur la question démontre en effet que les radicaux libres, ces molécules combattues par les antioxydants, ne seraient non pas une cause du vieillissement des cellules, mais au contraire une conséquence de ce dernier.
«D’après nos recherches, les radicaux libres sont produits en réaction au vieillissement. Non seulement ils ne l’accélèrent pas, mais en plus ils luttent probablement contre ses effets», explique M. Hekimi.
Longévité accrue grâce aux radicaux libres
Pour en arriver à ces conclusions, le chercheur a génétiquement modifié des vers ronds, de manière qu’ils produisent davantage de radicaux libres. Résultats:
1. Ces vers ont vécu plus longtemps que ceux qui n’ont pas été génétiquement modifiés;
2. Les vers auxquels des antioxydants ont été administrés ont vu leur vie raccourcie.
Le professeur Hekimi et son équipe sont par ailleurs arrivés à des résultats similaires avec des souris.
Mais il tient à préciser: «Les antioxydants possèdent peut-être certaines vertus, mais je ne suis pas nutritionniste et je n’ai pas d’opinion là-dessus. Ma spécialité, c’est l’étude des mécanismes fondamentaux du vieillissement. Or, je ne suis pas le seul, au sein de la communauté scientifique, à remettre en question la théorie du vieillissement par les radicaux libres.»
Plus de 300 théories du vieillissement!
Un avis que partage Alan Cohen, professeur adjoint au Département de médecine de famille de l’Université de Sherbrooke. Pour ce spécialiste en physiologie du vieillissement, les résultats de cette étude ne sont pas surprenants.
«Il existe plus de 300 théories sur le vieillissement, bien que celle par les radicaux libres soit la plus connue. Personnellement, j’adhère à une idée qui émerge actuellement, et que l’on peut résumer ainsi: notre corps est un système de régulation de plusieurs molécules, qui interagissent entre elles. Il n’est pas possible, en réalité, de pointer telle ou telle molécule comme source de tel ou tel problème de santé, car le système est beaucoup trop complexe. L’élément X, qui n’est pas mauvais en soi, peut devenir nocif s’il est présent à un niveau trop élevé, ou encore en raison de certaines interactions avec d’autres éléments, par exemple», explique-t-il.
Au final, le professeur Cohen estime qu’on ne peut, à l’heure actuelle, se prononcer sur le rôle exact des radicaux libres. Cause ou conséquence du vieillissement, voire les deux à la fois… tout est possible selon lui.
Pour d’autres spécialistes, les conclusions du professeur Hekimi sont discutables. «Son travail est très sérieux et bien ficelé. Par contre, je pense que la théorie du vieillissement par les radicaux libres reste valide parce que les preuves qui la contredisent demeurent insuffisantes», estime pour sa part Abdel Khalil, chercheur au Centre de recherche sur le vieillissement de l’Université de Sherbrooke.
Les antioxydants demeurent bénéfiques… en théorie
Force est de reconnaître que les mécanismes du vieillissement restent un mystère à ce jour, et que les avis sur la question sont nombreux et variés. Mais qu’en est-il des antioxydants? Les chercheurs ont-ils des certitudes quant à leur impact sur notre santé?
Alan Cohen et Abdel Khalil indiquent tous deux que plusieurs études ont démontré leur effets bénéfiques: «Leur rôle est très important. Il ne faut pas que les travaux du professeur Hekimi amènent les gens à se dire ‘‘dès demain j’arrête les antioxydants’’, car ils contribuent à l’équilibre de l’ensemble du système», insiste le premier.
À ses yeux, c’est précisément le concept d’équilibre entre les molécules qui est essentiel: une carence en antioxydants est dangereuse pour la santé, de même qu’une surconsommation… Or, la science n’a pas le pouvoir d’identifier cet équilibre, de le mesurer, et encore moins de donner des conseils sur la façon de l’atteindre, souligne-t-il.
«Pour l’heure, le seul conseil qu’on puisse donner est de favoriser la consommation d’une grande variété d’aliments naturels, donc des fruits, des légumes, des graines entières… et puis de ne pas se rendre fou avec ça! Si j’achète des bleuets au marché, c’est parce qu’ils me font envie et parce qu’ils sont frais, pas parce que je me dis qu’ils contiennent des antioxydants. Selon moi, et bien que les preuves scientifiques soient minces à ce sujet, le plaisir de manger a lui aussi des effets très positifs sur la santé.»
Les deux chercheurs s’accordent sur un autre point: au final… on n’est sûr de rien à 100 % concernant les antioxydants. Parce qu’ils agissent en synergie avec d’autres éléments, parce qu’il en existe plusieurs sortes, mais aussi tout simplement parce que les recherches scientifiques ont leurs limites.
«Les effets protecteurs des fruits et légumes sont admis par de nombreux spécialistes, mais plusieurs paramètres sont laissés de côté lorsqu’on pose une telle affirmation. Comme par exemple le fait que ceux qui en consomment le plus sont aisés financièrement: on peut se questionner sur les autres facteurs qui peuvent influencer l’état de santé de cette tranche de la population. Il faut en être conscient», note Alan Cohen.
Autre exemple: le fameux régime méditerranéen, dont on vante souvent les mérites. Mais on laisse de côté les effets du climat, de l’activité physique, voire de la sieste!
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